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Finalistes 2023, Markéta Luskačová

« D’hier à aujourd’hui, Markéta Luskačová a su garder la justesse de son regard et son fil conducteur, l’humain. »


Marketa Luskacova

« La photographie a le merveilleux pouvoir de conserver la mémoire. J’ai toujours photographié les gens et les lieux que j’aimais, que je considérais et dont je voulais qu’on se souvienne », explique Markéta Luskačová. Née en Tchécoslovaquie en 1944, pays qu’elle a quitté au milieu des années 1970 pour la Grande-Bretagne où elle a vécu une grande partie de son existence. Cela ne l’a jamais empêché de garder des liens avec sa terre natale où elle continue de se rendre régulièrement pour effectuer différentes séries, comme en témoignent celle sur les enfants réalisée en République Tchèque de 1998 à 2014. Ce travail fait écho à Citizen 2000, des documentaires sur la vie de vingt enfants réalisés pour la chaîne anglaise Channel 4 de 1986 à 2000. Photographe du réel, Markéta Luskačová mène depuis ses débuts en 1964 des travaux documentaires sur le long terme. Son credo : creuser des sillons autour de sujets qui lui sont chers. En témoignent « Les Pèlerins en Slovaquie » effectué dès 1964, alors qu’elle est étudiante en sociologie, à 1971. Un projet délicat dans cette période où la religion est proscrite par les régimes communistes. De la même manière qu’elle est d’une constance sans faille sur d’autres thématiques, comme « Les marchés londoniens » et « Les carnavals en République Tchèque » qu’elle continue de couvrir depuis 1975, elle n’a jamais cessé de photographier tout au long des décennies : « Cela a donné un rythme à ma vie, un but et même de la dignité. J’ai toujours pris des photos et je continue aujourd’hui encore ». Essentiellement en noir et blanc, et reconnaissable à son écriture acérée, son travail comprend également des travaux en couleur où sa maîtrise de la composition est la même. D’hier à aujourd’hui, Markéta Luskačová a su garder la justesse de son regard et son fil conducteur, l’humain.

par Sophie Bernard

Voir Biographie

    Markéta Luskačová est une photographe d’origine tchèque qui a passé une grande partie de sa vie à vivre et à travailler au Royaume-Uni. Fréquemment attirée par les personnes marginalisées, elle est particulièrement connue pour son travail dans les villages slovaques, mais aussi sur les marchés de l’East End à Londres.

    Née à Prague en 1944, elle a grandi en Tchécoslovaquie à l’époque du régime communiste. En 1963, elle tombe par hasard sur un groupe de pèlerins se rendant dans la ville de Levoča et devient déterminée à documenter ces traditions culturelles et religieuses menacées d’effacement. Elle a étudié la sociologie à l’Université Charles, obtenant son diplôme en 1967 avec une thèse intitulée Pèlerinages en Slovaquie. Elle a ensuite étudié la photographie à l’école de cinéma et de télévision de la FAMU à Prague.

    La série de photographies Pilgrims a valu à Markéta une reconnaissance internationale. Elle a voyagé dans les régions reculées de Slovaquie, se concentrant en particulier sur le village de Šumiac, où la vie n’a pratiquement pas changé depuis des centaines d’années, ayant échappé au collectivisme imposé au reste du pays par le gouvernement communiste. Elle a dépeint la vie, les rites et la religion de ces communautés villageoises durables. Les pèlerinages étant en contradiction directe avec l’idéologie de l’État, Markéta a voulu enregistrer ce mode de vie, craignant qu’il ne soit bientôt éradiqué.
    Ces photos ont été exposées pour la première fois à Prague en 1971 à la Galerie des arts visuels. Le rédacteur en chef de Creative Camera, Colin Osman, en visite à Londres, a vu cette exposition et a publié les photographies, attirant ainsi l’attention du monde entier sur le travail de Markéta. La collection sera également exposée plus tard à Londres, au Victoria and Albert Museum, en 1983.
    En 1971, Markéta épouse le poète Franz H. Wurm qui, bien que natif de Prague, a la nationalité britannique. Au cours des années 1970-1972, Markéta photographie les productions théâtrales du Theatre Behind the Gate, dont elle est la photographe attitrée. Mais cela lui vaut d’entrer en conflit avec le parti communiste, qui interdit le théâtre en 1972. Elle demande aux autorités de l’État de rendre visite à son mari en Angleterre et finit par émigrer en 1975.
    Tout au long des années 1970 et 1980, la censure communiste a interdit le travail de Markéta en Tchécoslovaquie. Néanmoins, elle n’a jamais cessé de considérer la Tchécoslovaquie comme sa patrie. « J’ai toujours considéré ma vie à l’étranger comme une sorte de palliatif qui s’est étiré pour devenir une partie considérable de ma vie », a-t-elle déclaré.

    À Londres, Markéta a trouvé une nouvelle source d’inspiration pour son travail dans les marchés de la ville, en particulier ceux de Brick Lane et de Spitalfields. Elle a fait ses achats dans ces marchés par nécessité, mais elle y a aussi trouvé un sujet riche et varié sur lequel elle a pu se concentrer. À la naissance de son fils, Matthew, en 1977, elle le promenait dans les rues dans son landau et prenait des photos des personnes et des lieux qu’elle rencontrait. Elle a continué à photographier ces quartiers et leurs habitants pendant des décennies et a produit une longue série. « Je n’ai pas trouvé à Londres de meilleur endroit pour commenter l’impossibilité même de l’existence humaine », dit-elle. En 1991, Markéta a organisé une exposition personnelle à la Whitechapel Gallery, présentant une sélection de ses photographies prises sur les marchés de l’East End. Peu après que la « révolution de velours » a rétabli la démocratie en Tchécoslovaquie à la fin de l’année 1989, Markéta a été invitée à monter une exposition au musée Levoča. Au cours de l’été 1990, sa série Pilgrims y a été exposée. Elle a ensuite travaillé en République tchèque en photographiant la communauté vietnamienne, des enfants handicapés et des carnavals d’hiver, tout en continuant à prendre des photos au Royaume-Uni, en se concentrant sur la photographie d’enfants en plus de son travail continu sur les marchés de rue de Londres.

    Interviewée par The Guardian en 2012, Markéta a déclaré : « Dans la langue tchèque, le verbe photographier signifie immortaliser. Lorsque je suis arrivée en Grande-Bretagne en 1975, j’ai été choquée d’apprendre qu’en anglais, l’équivalent est to shoot. Même après 37 ans passés ici, je trouve cette notion assez étrangère ».

    Portfolio

    PILGRIMS
    Slovakia 1964 -1971

    PILGRIMS
    Slovakia 1964 -1971

    ON CHILDREN
    Various Locations 1964 – 2023

    ON CHILDREN
    Various Locations 1964 – 2023

    ON DEATH AND HORSES AND OTHER PEOPLE
    Roztoky, Czech Republic 1998-2023

    ON DEATH AND HORSES AND OTHER PEOPLE
    Roztoky, Czech Republic 1998-2023

    ON DEATH AND HORSES AND OTHER PEOPLE
    Roztoky, Czech Republic 1998-2023

    PILGRIMS
    Levoca,1968

    marketaluskacova.com